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La réalité virtuelle, le nouveau medium de l’empathie

     

    mlcbaj3pb4kr-878x0-z-z96kyqC’est sur le point de nous  arriver, et cela pourrait révolutionner notre manière de vivre, jouer, et apprendre. En consacrant sa une à “la surprenante joie de la réalité virtuelle” en août dernier, le magazine américain Time témoigne à sa façon de l’excitation qui entoure cette nouvelle technologie encore bien mystérieuse pour une majeure partie de la population. La réalité virtuelle (VR) est, pour ceux qui l’ont essayée, “incroyable”, “magique”, “life-changing” ; son potentiel jugé si vaste qu’il a poussé Mark Zuckerberg à lâcher 2 milliards de dollars en mars 2014 pour racheter Oculus VR, société pionnière de la réalité virtuelle qui avait réalisé l’exploit de lever plus de 2,5 millions de dollars via la plateforme de financement participative Kickstarter.

     

    CHANGER NOTRE RAPPORT AU MONDE ET AUX AUTRES

     

    Nous faisons le pari à long terme que la réalité immersive, virtuelle et augmentée fera à l’avenir partie intégrante de la vie quotidienne des gens”, se permit-il au passage, comme pour convaincre les réfractaires à ce nouveau rapport à l’écran qu’il s’agit bien là d’une technologie révolutionnaire ; une de celles qui changent notre rapport au monde et aux autres, et nous fait franchir un nouveau stade dans notre manière de partager les idées et les expériences. C’est ce qui fait dire à certains que la réalité virtuelle est le dernier medium.
    La réalité virtuelle n’isole-t-elle pas encore plus les individus ? Non, elle permet une connexion encore plus grande avec le sujet de la captation.” Preuve parmi d’autres que la réalité virtuelle tend à s’imposer, cette déclaration est l’œuvre d’Adam Silver, le président de la NBA, la ligue de basket nord-américaine. Le 27 octobre dernier, il décidait de tenter l’expérience en diffusant un match entre les Golden State Warriors et les New Orleans Pelicans en réalité virtuelle, grâce à une caméra spéciale installée juste au niveau des joueurs, au beau milieu du stade. La perspective d’être
    nextvr-nba-gameparmi les premiers à miser sur une technologie aussi révolutionnaire réveille les appétits des investisseurs, qui misent désormais gros sur la réalité virtuelle : visites d’appartements chez les professionnels de l’immobilier, tourisme virtuel pour une compagnie aérienne… mais également des innovations prometteuses comme ce musée virtuel rassemblant des œuvres volées et donc impossibles à contempler dans un musée réel, ou bien les applications potentielles dans le milieu de l’éducation, qui se prête à imaginer des étudiants tous équipés de casques leur permettant de tester un projet, de visiter un pays lointain ou bien d’imaginer leur prochaine carrière.

    UNE RÉACTION « PHYSIQUE, VISCÉRALE »

     

    L’un des pionniers de la démocratisation de la technologie a été Google : le géant américain s’est donné les moyens de toucher le public le plus large possible, en misant sur de simples masques en carton sur lesquels il suffit d’attacher son smartphone. Son partenariat avec le New York Times, qui a expédié en novembre 2015 plus d’un million de “Google Cardboard” aux abonnés à son édition dominicale, a été un pari gagnant. Le même weekend, des centaines de milliers de ménages américains ont pu — parents comme enfants — expérimenter la technologie pour la première fois, en téléchargeant une application leur permettant de regarder (parmi d’autres) un film original de 11 minutes racontant l’histoire de trois enfants — du Sud-Soudan, de l’Ukraine, du Liban — fuyant leur pays ravagé par la guerre.

    CTSw3t6UwAA7msFascinés par l’immédiateté et l’intimité qui ressortaient de cette œuvre immersive, les lecteurs ont accueilli l’initiative avec enthousiasme. Le “sentiment d’émerveillement” et la “réaction physique, viscérale” décrits par les personnes exposées aux films créés par le journal font figure de belle promesse pédagogique pour un medium qui va sans doute permettre aux spectateurs de réellement se “mettre à la place” d’une autre personne.

    Chris Milk, réalisateur et fondateur de Vrse, société pionnière en la matière, l’exprimait ainsi dans un TED talk en avril 2015 : “En décembre, nous sommes allés dans un camp de réfugiés syriens en Jordanie et nous avons filmé l’histoire de Sidra, une fillette de 12 ans. Avec sa famille, elle a fui la Syrie à travers le désert de Jordanie, et ils vivent maintenant dans ce camp depuis un an et demi. (…) Quand vous avez le casque sur la tête, (…) vous explorez le monde autour de vous. (…) On voit à 360 degrés, dans toutes les directions. Et quand vous êtes assis dans sa chambre, et la regardez, vous ne la voyez pas à travers un écran, ni à travers une fenêtre, vous êtes assis à côté d’elle. En regardant vers le bas, vous êtes assis sur le même sol qu’elle. Grâce à ça, vous ressentez plus de compassion. Vous avez plus d’empathie pour elle.” Rien d’étonnant à cela. Des études menées à Stanford en 2009 et en 2013 démontraient déjà que l’immersion virtuelle dans des environnements différents avait permis de réduire les biais racistes et les préjugés des sujets de l’expérience, en même temps qu’elle améliorait l’empathie et l’altruisme. Un autre réalisateur a de son côté relevé les mêmes effets positifs chez des sujets exposés à un film tourné au Népal lors du tremblement de terre de mai 2015.

     

    « S’ENFUIR DANS LA RÉALITÉ VIRTUELLE »

     

    la-et-mn-ca-vr-future-virtual-reality-cinema-20150308Évidemment, cette capacité à créer de l’empathie ne peut être vue comme neutre. Le New York Times, s’il relève qu’il “a fallu des décennies pour fixer des règles de déontologie dans le photojournalisme”, affirme réfléchir aux moyens de minimiser le biais induit par les réalisateurs de ces films. De la même manière, il sera important de rester vigilant aux discours des réalisateurs et des constructeurs ; ainsi des dirigeants d’Oculus VR proclament que la réalité virtuelle représente un “impératif moral”. “S’enfuir dans la réalité virtuelle” est de même présenté comme le “seul moyen de survivre”, de “donner tout ce qu’il veut à chacun” — et de mener une “vie heureuse”, où les affres de la vie réelle sont instantanément oubliés dans des mondes oniriques. Oculus se rêve-t-il en démiurge ? Ces sorties sont sans doute en partie sincères, mais il s’agit surtout là de discours de spin doctors désireux de contrer le procès en futilité qui a toujours été fait à la virtualité. Malgré tout, le grand public semble aujourd’hui prêt à accueillir l’innovation, et tous les feux sont au vert pour le décollage de la technologie. Pour les avocats de la réalité virtuelle, l’année 2016 sera sans doute la bonne.

     

     

     

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