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Sur la route inéluctable de l’innovation

    Innovation, innovation, innovation… Les titres aguicheurs, les solutions miracles, les recettes magiques se multiplient sur les réseaux. Leur promesse : faire de l’innovation sans se mouiller. Dans ce contexte, le buzzword est roi. Ainsi Fab lab, MOOC, blockchain… : connaissez-vous le vocabulaire de l’innovation nous demande le portail de l’économie et des finances. Comme si un mot, un concept pouvait créer de l’innovation automatiquement, sans effort.

    Oui, l’innovation coûte cher et ne rapporte pas beaucoup sur le court terme. On peut se demander légitimement pourquoi se lancer dans des sessions éprouvantes, des ateliers coûteux ou encore construire des projets compliqués pour réinventer son entreprise, sa marque ou ses produits et services alors que le ROI de l’innovation est si désavantageux en apparence. Et pourtant la réponse est simple : il faut innover car le monde change. On observe un glissement progressif, souvent imperceptible, dans tous les secteurs, vers un monde du XXIe siècle qui sera, sur bien des points, fort différent de celui du XXe.

    Prenons l’exemple – structurant – du commerce. Entre le développement international du capitalisme et les réglementations nationales, on pourrait dire que nous sommes arrivés aujourd’hui à une sorte d’équilibre qui contente tous les acteurs traditionnels en place. Et voilà que Jack Ma, le fondateur d’Alibaba et deuxième fortune chinoise, profite du G20 situé à Hangzhou, pour faire la  promotion d’une plateforme de mise en relation des acheteurs et vendeurs (B2B) qui se passerait des traités gouvernementaux, une sorte d’e-organisation mondiale du commerce baptisée e-WTP.

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    Une bombe informationnelle passée inaperçue de nos politiques, certainement trop occupés à donner leur avis sur le burkini (*). Et pourtant, ce que propose Jack Ma, n’est pas moins que réduire la part d’interventionnisme des gouvernements, de s’affranchir des lois locales (nationales) pour dialoguer sans intermédiaires avec ceux qui “créent de la richesse”.

    Le eWTP devrait être dirigé par le business […], non par des gouvernements qui se mettent d’accord pour que l’on suive les règles. Jack Ma

    Voilà de quoi réjouir tous les entrepreneurs et toutes les sociétés qui veulent sortir du carcan habituel de l’économie. Et voilà de quoi pétrir de terreur toutes les institutions, grands groupes et vieilles entreprises qui composent tranquillement avec les réglementations actuelles. Car le lobbying, c’est en chinois qu’il va falloir le faire maintenant.

    C’est en effet la société tout entière que Jack Ma propose de changer avec ce e-WTP suivant la vision pessimiste de William Gibson, l’auteur bien connu de Neuromancer. Une vision ultralibérale du progrès social, partagée par la frange dur des transhumanistes, où les projets économiques des entreprises remplacent les devoirs et responsabilités du gouvernement.

    Seulement les conséquences de cette irruption des entreprises dans le domaine de l’emploi, de la santé, de l’écologie et pire de l’éducation sont immenses. Qu’est-ce qui empêcheraient ces entreprises – à l’instar des futurs décrits dans les romans de cyberpunk – de revoir notre propre conception, éthique et philosophique, du monde ? Que vont devenir nos droits de l’homme dont nous sommes si fiers, quand les programmes scolaires seront sponsorisés par Alibaba (**) ?

    khanacademyNotre mode de vie va changer. Et notre seule façon de garder le contrôle va être d’inventer de nouvelles façons de vivre, d’échanger, d’atteindre nos objectifs (non, gagner de l’argent ne fait pas tout) dans un monde aux pratiques mouvantes. Et ça existe déjà : de la Wikipédia à la Khan Academy de Salman Khan (un très bel outil pour apprendre les mathématiques à tout âge), de l’ouverture Open-Source des brevets Tesla aux Design Principles du gouvernement britannique, voilà des innovations sans buzzwords qui tirent partie des spécificités du digital.

    Il faudra bien ce genre de rupture dans nos pratiques habituelles, des électrochocs bénéfiques pour réveiller notre économie, et nos salariés endormis dans des fauteuils trop confortables (il y en a). Et aussi aider dans la mise en place et l’accompagnement d’un véritable changement dans les entreprises (et pas dans le changement de votre ERP – un logiciel informatique n’a jamais créé de l’innovation, arrêtons avec ces bêtises de la fin des 90’s).

    Bref, d’innover, vraiment, et autrement qu’avec des buzzwords.

    wilder

    (*) NDC: Mais bon, gageons que dans quelques dizaines d’années il s’agira d’une espèce en voie de disparition.

    (**) NDC: Certes nous aurions peut-être dû nous poser la question quand nous avons commencé à faire du commerce avec la Chine, très éloignée de nos convictions sur le sujet.

    2 commentaires sur “Sur la route inéluctable de l’innovation”

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