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Conférence Digital+Humanities

Digital Humanities

Rencontres entre des chercheurs en SHS et des professionnels du marketing

Montrer l’apport des sciences humaines et sociales dans la compréhension des problématiques digitales fréquemment rencontrées par les professionnels du marketing, tel était le but de la conférence “Digital+Humanities” que nous organisions le 4 juillet à La Cantine, en partenariat avec le SMC France, Silicon Maniacs et Knowtex.
Pour ceux qui n’ont pu assister à l’événement ou qui souhaiteraient en avoir une relecture synthétique, nous restituons ici les principaux concepts développés par les 5 intervenants chercheurs, ainsi que leurs possibles articulations, quand cela s’y prête, avec le monde de la communication et du marketing digital.

Julien Mendoza : le dévoilement des données personnelles

  • Les informations personnelles sont, selon la loi de 2004, à la fois des informations d’identification (nom, prénom…) et des informations connexes (code postal, date de naissance…) qui permettent de cerner l’individu.
  • Il y a un paradoxe entre notre disposition à dévoiler nos informations personnelles (i.e le prix auquel nous acceptons de les vendre) et notre disposition à payer pour les    protéger : dans le premier cas, la valeur accordée aux données est élevée ; dans le second cas elle l’est beaucoup moins.
  • 1ère incitation au dévoilement des données : l’illusion monétaire. Je suis prêt à dévoiler mes informations moyennement une rétribution.
  • 2e incitation : l’illusion du contrôle. Lorsqu’une charte de confidentialité est exhaustive, j’ai le sentiment que les données personnelles sont mieux protégées – et je serai donc enclin à    transmettre les miennes.
  • 3e incitation : le contexte ludique. L’individu a davantage tendance à livrer des informations personnelles dans un contexte ludique.

-> Comment les marques peuvent-elles exploiter ces incitations ?
-> Comment prendre en considération la “ruse” de l’internaute qui a conscience de la valeur que représente ses données ?

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Stéphane Hugon : la construction de l’identité de l’internaute par rapport à son réseau

  • Penser les interactions sociales et les conversations n’est pas nouveau. Certains sociologues du XIXe siècle – comme Tardes ou Simmel – avaient déjà posé les bases des réflexions sur ces thématiques.
  • On est passé d’un individu autonome (période d’après guerre) à une personne qui construit son identité par rapport à son réseau. Cette rupture s’est renforcée avec l’avènement d’Internet.
  • Il existe différents territoires identitaires sur Internet. L’internaute est présent sur différents réseaux à travers différents pseudos et avatars. Ce qui provoque un morcellement de son identité en fonction des territoires.
  • Il y a donc remise en cause du marketing classique et du rational choice. Le consommateur n’a pas un raisonnement rationnel pour prendre ses décisions. Il choisit via le regard des autres, via son réseau.

-> Peut-on construire son identité à travers une marque ?
-> Une marque doit-elle faire la synthèse des identités morcelées de son “consommateur”?

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Dominique Boullier : le nouveau rapport à l’information – attention, orientation et intermédiation

  • L’attention est une combinaison de fidélisation et d’alertes. Autant la fidélisation s’appuie sur les habitudes, autant l’alerte consiste en une sollicitation destinée à rompre les habitudes.
  • L’attention se définit à la fois par son intensité et par sa durée.  Le phénomène de fidélisation est majoritairement axé sur la durée. A contrario, celui de l’alerte a pour caractéristique majoritaire l’intensité.
  • L’attention est rare puisqu’on ne peut pas faire attention à tout. Attirer l’attention, c’est donc nécessairement provoquer une tension, une hésitation entre l’information véhiculée et une autre information. C’est pourquoi susciter l’attention est un conflit à la fois pour l’offreur mais également pour son public.
  • Sur Internet, il y a un phénomène d’intermédiation par des influenceurs qui jouissent d’une certaine autorité pour orienter vers des informations ciblées.
  • Le syndrôme de la saturation cognitive s’accentue avec la surinformation et avec le numérique. Il est nécessaire d’avoir des lieux pour être présent à soi (au sens mystique du terme) qui sont de fait déconnectés. Ces sas déconnectés seront sûrement monétisés dans les années qui viennent.

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Patrice Flichy : nouveau rapport au savoir et nouvelles pratiques culturelles – le sacre de l’amateur et l’expertise par le bas

  • La notion d’amateur peut être comprise comme synonyme de médiocrité alors que sur Internet il faut plutôt voir la figure de l’amateur comme celle d’un passionné.
  • L’accès aux connaissances se trouve reconfiguré par cette nouvelle parole amateur sur Internet, qu’il s’agisse de documents permettant l’autodidactie des internautes ou de documentation sur des problématiques de vie quotidienne comme la santé.
  • Cette légitimation des amateurs est déstabilisante pour les professionnels. Par exemple le fan qui se lance dans une activité de réception créatrice (à l’image des Potter Fictions) soutient le produit tout en le détournant.
  • Le sens de la notion d’expert a glissé au fil du temps. Venant du mot “expérience”, le mot expert se réferait à une personne ayant acquis ses compétences grâce à son expérience. Il désigne aujourd’hui un spécialiste. Internet a permis la réhabilitation du premier sens, la réhabilitation de ces savoirs ordinaires. Ce qui laisse place à un mode de fonctionnement plus démocratique où l’amateur peut débattre avec le spécialiste.

-> Comment penser la figure du curateur à l’aune de ces théories sur l’expertise amateur ?
-> Comment gérer cette communauté d’amateurs qui peut à tout moment détourner le message de la marque ?

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Conclusion par Etienne Candel

Que garder des enseignements de cette conférence Digital+Humanities ?

  • Sur Internet, l’humain donne à voir une image curieuse, même s’il reste un humain derrière un ordinateur.
  • Comment approcher cet humain qui nous semble différent ? Les chercheurs ont quelque chose à nous apporter – non pas des solutions car le fantasme de connaissance absolue du marketeur est vain – mais des approches nouvelles, où tout est “affaire de précision et de complexité.”
  • Le bref laps de temps de la conférence nous donne “quelque chose pour penser un consommateur qui n’est pas un consommateur mais un homme”.

Pour reprendre les mots d’Etienne Candel, si la conférence a effectivement permis d’ouvrir des passerelles en donnant “quelque chose pour penser”, entre le “digital” et les “humanities”, alors elle a atteint le but souhaité. A vous à présent de nous dire ce que vous en avez pensé ;)

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