Le rhinocéros et le digital

« Il a la couleur d’une tortue tachetée, et est presque entièrement couvert d’épaisses écailles« . Voilà l’une des phrases qui a accompagné la gravure de rhinocéros réalisée en 1515 par Albrecht Dürer. L’artiste n’avait jamais vu l’animal en question, mais s’était appuyé, pour le dessiner, sur des textes de Pline l’Ancien et sur des récits de lettrés portugais qui avaient eu la chance de contempler le rhinocéros offert par le sultan du Gujarat au roi Manuel. Conséquence : certes magnifique, la gravure de Dürer nous renvoie à la vision d’un animal quasi mythologique, revêtu d’une cuirasse, et arborant une mystérieuse corne dorsale.

Cette histoire est éloquente lorsqu’il s’agit de mesurer l’écart entre la réalité et les représentations que l’on peut s’en faire. Transposée au numérique, elle nous apprend que lorsqu’on travaille sur Internet, en tant que planneur digital par exemple, on ne peut pas se fier uniquement à ses intuitions, à son talent et aux informations dont on dispose pour comprendre le digital. Le risque est en effet d’en avoir une vision trop étroite et parcellaire.
D’où la nécessité, pour « dessiner » le reflet du numérique le plus fidèle possible, de convoquer d’autres regards. Ceux des chercheurs en sciences humaines et sociales peuvent tout particulièrement nous aider à obtenir une esquisse précise et documentée : c’est ce que nous avons voulu montrer lors de notre conférence Digital+Humanities, le 4 juillet dernier à La Cantine.
Nous vous laissons méditer sur les rhinocéros et Internet, et vous donnons rendez-vous à la rentrée. Bonnes vacances !